El  Moungar

Nous sommes à la fin du siècle dernier. La révolte du marabout Bou-Amama (1881) qui a ensanglanté la région et ses alfatiers, a été stoppée. Mais le Sud-Oranais reste peu sûr. La frontière marocaine toute proche, aux limites aussi mal définies, qu'indéfinies (l'absurde tracé de 1845, comme l'a appelé Maurice Wahl) favorise les incursions et les incidents. C'est surtout la Légion Étrangère qui est chargée de la sécurité de ces grands espaces où il faut "se battre á coup de kilomètres" selon l'expression du général Négrier, contre des bandes armées incontrôlées. Des années 1887 à 1907, date de l'occupation de la ville marocaine d'Oujda, par Lyautey, les escarmouches se poursuivront nombreuses et parfois meurtrières.

C'est ici que se situe la réplique saharienne du combat de Camerone. Elle eut lieu le 2 septembre 1903. Une compagnie de légionnaires, cent treize hommes en tout, escortant un convoi de ravitaillement, tomba en embuscade entre El Moungar et Safrani. Six cent guerriers les attaquèrent, le combat, sous un soleil implacable, dura huit heures, quatre-vingt-six soldats de l'escorte furent, tués. Il ne restait que vingt-sept survivants, blessés et assoiffés. En hommage à la mémoire de tous les militaires morts au cours de cette période, il fut décidé de leur élever un monument à Saïda. Robert Delandre, sculpteur normand âgé de trente-deux ans, exécuta la commande en 1908.

C'est ainsi qu'en mai 1910 fut inauguré, place de la mairie, un monument jugé par la presse de l'époque comme "d'une harmonieuse simplicité et d'un fort bel effet". Juché sur un piédestal, un officier au casque colonial, tient d'une main un drapeau; de l'autre il pointe son épée vers un lion d'Afrique... d'Afrique du Nord bien entendu, et dont les deux ou trois derniers de l'espèce, tapis au fond de l'Atlas marocain étaient déjà prêts à subir l'holocauste final. L'inscription sur le piédestal était la suivante: "Aux soldats de la Légion Étrangère et de l'Armée d'Afrique morts dans le Sud-Oranais". La cérémonie d'inauguration fut présidée par Eugène Étienne, député d'Oran, ancien ministre de la guerre. ll était entouré de cinq généraux... pour ne pas faire mentir Guy de Maupassant. Parmi eux, un certain Lyautey qui allait s'illustrer au Maroc, quelques années plus tard.

Au moment de repliement de l'armée française, la légion a démonté les deux statues composant le monument et les a acheminées vers la Corse où elles furent débarquées le 25 juin 1962. Ce monument a été reconstitué un an plus tard sur une place, devant l'entrée de la citadelle de Bonifacio, première garnison de la légion en Corse. ll se présente de la même façon qu'à Saïda, l'officier sur son socle, le lion d'Afrique assis à ses pieds. Une inscription rappelle les raisons de son existence et son lieu d'origine. Seule la forme du socle a changé. Après le transfert de la Légion Étrangère à Nîmes, le monument a été officiellement confié à la ville de Bonifacio, dont nous pouvons espérer une sauvegarde.


Echo Saïdèen

 

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