En 1877, la Compagnie Alfatière Franco-Algérienne avait implanté un dépôt
de traitement, de triage et d'emballage à cet endroit. Le lieu avait été
choisi parce qu'il y avait de l'eau en abondance (pour mémoire l'oued
Saïda prend sa source à Aïn Tébouda, à 3 km. d'Aïn-el-Hadjar)
et plusieurs sources ou résurgences se trouvaient au lieu choisi. Le village
s'est d'abord appelé Maugerville du nom d'un député, président de la Compagnie
Franco-Algérienne. Selon des renseignements donnés par le "Guide Bleu"
de l'Algérie de 1889, il y avait à cette époque de 500 à 800 ouvriers
en grande majorité d'origine espagnole qui travaillaient l'alfa. Les premières
habitations basses ont été construites en cité ouvrière dans le quartier
de la gare sur le modèle des cités minières du Nord de la France. En 1881,
l'existence du village est officialisée par l'administration. Maugerville
devient Aïn-el-Hadjar
(la source de pierre) nom arabe du site choisi.
Le village a été implanté le long de la route de Geryville, il s'est développé
surtout sur la droite de cette route, avec une pénétrante perpendiculaire,
la route de la gare. Bien que proche de Saïda (9 km) Aïn-el-Hadjar
a été au fil des années, une commune de plein exercice bien structurée
avec sa mairie, ses écoles de garçons et filles, sa gare de chemin
de fer, sa poste, son église, son cimetière, sa gendarmerie, son
cabinet médical, son stade, sa place publique, son monument aux morts
et sa pépinière ombragée. Durant les dernières années de notre présence
(1940-1962), il y avait à Aïn-el-Hadjar
une vie commerciale active : deux boulangeries-épiceries (Ojéda
et Pujalte) sur l'avenue principale, des alimentations "européennes" (Douvier
et Martinez), une boucherie-charcuterie (Dona) près de la caserne de la
Légion, et une multitude de "khanouts" arabes; épiceries, légumes, vente
de viande de mouton, tissus, etc.... Lieux de vie et de rencontre après
le travail, les cafés où l'on buvait l'anisette entre amis et où l'on
jouait aux cartes françaises ou espagnoles, les perdants payant la tournée.
Il y en avait quatre en venant de Saïda, à l'entrée du village le
café Duranseau, près du passage à niveau le café Canalès, après
le passage à niveau sur la droite le café de François Hermosilla, devenu
dans les années 50 le café Donati et enfin le café Ortéga dont
deux salles annexes abritaient le local du Foyer rural et son cinéma.
Pour les services, il y avait deux forgerons Canalès André au quartier
Sorroche sortie vers les Maâlifs et Raphaël Plaza, rue de la gare presque
en face de la mairie. Il y avait aussi deux moulins de mouture indigène
Canalès et Huertas. La papeterie d'Aïn-el-Hadjar
implantée près de la gare,
fabriquait à partir de stocks de vieux papiers, de cartons et de paille,
un papier de couleur grise dit "papier d'épicerie" sous les marques "Le
Zèbre" et "l'As de coeur", si mes souvenirs sont exacts; ce papier était
connu de tous les commerçants d'Algérie. Sous l'impulsion de son président-directeur
M. Louis Gellée, la papeterie avait connu un essor important à
partir de 1949 et jusqu'en 1962 beaucoup d'habitants et d'habitantes d'Aïn-el-Hadjar
ont travaillé dans cette entreprise.
La commune a été dirigée de 1933 à 1962 par un seul maire, Louis Gellée,
directeur de la Compagnie Agricole Oranaise (la CAO). Il était aussi président
de la Coopérative de céréales des Maâlifs à Bou-Rached, président de l'Union
des Coopératives de céréales d'Oranie et conseiller général dans les années
1955, marié à Michelle Cantau, fille d'Adrien Cantau, agriculteur à Aïn-el-Hadjar.
Nous lui devons, avec son conseil municipal, l'essor et la bonne gestion
de la commune pendant 30 ans. Nous avons eu dès 1937, l'une des premières
piscines de village où tous les gamins y ont appris à nager. Ce
lieu était un havre de fraîcheur et la promenade favorite des Saïdéens
quand il faisait trop chaud dans la cuvette de Saïda. Pour le seconder
à la mairie, un secrétaire efficace, notre ami Zozo Lopez, toujours à
la disposition de tous, grand organisateur des manifestations sportives,
des fêtes et bals réputés dans toute la région.
Il était à l'origine de la création avec un groupe d'amis dont je faisais
partie, du Foyer Rural, lieu de distraction des jeunes et des moins jeunes
: cinéma, bals, ping-pong et autres jeux de salle. Il avait avec le maire
et le conseil municipal participé à la création de la magnifique
salle des fêtes, terminée et inaugurée par un bal mémorable fin 1961.
On ne pouvait terminer ces quelques lignes sur notre village, sans évoquer
un partenaire de toujours depuis la création du village. La Légion Etrangère
a été comme à Saïda, une fidèle composante de la vie d'Aïn-el-Hadjar.
Sauf en période exceptionnelle (Guerre 39-40) il y a toujours eu des képis
blancs et c'est avec émotion et nostalgie, que nous les revoyons défiler
dans les rues du village, présenter les armes au monument aux morts lors
des cérémonies officielles, ou tout simplement dans leur vie de tous les
jours au village.
Texte de Paul Ermosilla
|