Alsaciens-Lorrains
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La colonisation a débuté à Saïda vers 1860. Elle est encore timide, pas plus d'un habitant au kilomètre carré, et se confine à la plaine qui entoure le poste militaire. Plus loin, en dehors des caravansérails dont la vie dangereuse fut chantée par Louis Bertrand, dans son livre si expressif "Le sang des races", seuls voyagent derrière les colonnes militaires, quelques commerçants espagnols. C'est aux Alsaciens-Lorrains que devait incomber l'honneur de créer à plusieurs dizaines de kilomètres des postes militaires, les premiers noyaux de la colonisation. La terrible guerre de 1870 vient d'arracher à la mère patrie les plus belles de ses provinces; une société française ayant à sa tête le comte d'Hausonville, s'occupe de l'installation de plus de mille familles, non seulement sur les terres enlevées aux Kabyles révoltés à l'appel de Mokhani, bachaga de la Medjana, mais encore sur les territoires les plus reculés des hauts-plateaux.

Par décret du 27 mai 1872, le gouvernement de la république décide de fonder un centre de colonisation au lieu dit: "Dra-el-Remel" (le bras de sable), sur la piste de Mascara, à 27 kms au nord de Saïda. Là, il n'existait alors qu'une baraque en planches qui avait été habitée par un Français aventurier du nom de Couard. Ce Français, à la fois colon et commerçant avait vu sa femme assassinée et sa boutique pillée par des nomades espagnols. Ce centre comprit d'abord 20 à 25 familles, émigrées d'Alsace-Lorraine. Dans son titre 1 relatif aux concessions de terres allouées aux Alsaciens-Lorrains, le décret du 10 octobre 1871, leur accorde par dispositions spéciales, le bénéfice de la propriété immédiate des terres exploitées. Mais la région est insalubre et les réfugiés manquent d'abri. lls sont dépourvus de toute ressource et durant les premières années ils touchent le prêt comme des soldats.

Ces rudes pionniers doivent vaincre toutes les difficultés dans un pays dont ils ignorent jusqu'à la langue. Les récoltes sont maigres et capricieuses. ll leur faut aller chercher de l'eau à dos d'âne et lutter contre les fièvres et le découragement. Cependant le noyau s'agrandit, ils accueillent d'autres réfugiés qui viennent les rejoindre: ils remplacent leurs baraques de bois ou leurs tentes (kheima) par des maisons en pierres et ont la joie en 1875 de donner au hameau de Dra-el-Remel le nom du commandant Franchetti, mortellement blessé durant le siège de Paris, à la tête de l'escadron de volontaires qui portait son nom. En 1877, le centre de Franchetti comportait déjà une population française de 155 personnes ainsi que l'attestent les documents conservés à Saïda où en était tenu l'état-civil. Dans ce centre, détaché de la commune mixte de Saïda en 1926, pour être érigé en commune de plein exercice, nombreux sont les descendants de cette période héroïque.

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