A 9 kms de
la ville, et à 1000 mètres d'altitude, s'étend sur de nombreux hectares,
le domaine d'Aïn-Zerga, propriété de la famille Catroux, dirigé par M.
Alexandre Catroux. A l'origine, c'est-à-dire en 1865, ce domaine était
une ferme forteresse flanquée de quatre tourelles, encore visibles, d'où
l'on pouvait surveiller l'espace environnant. Un puits de sécurité, installé
dans la cour principale, permettait, en cette époque de paix armée, de
pallier un empoisonnement des eaux ou leur détournement.
Mais l'intérêt majeur d'Aïn-Zerga réside dans une particularité: celle
de receler un lac souterrain. Ce qui lui a valu la visite, entre
autres, du
Gouverneur général Lutaud. Après être descendu, au moyen d'un dispositif
de fortune, par une espèce de cheminée profonde de vingt-deux mètres,
le chef suprême de l'Algérie prit place dans une barque plate et inspecta
le gouffre, jusqu'à ce qu'une énorme stalactite empêcha une investigation
plus poussée. Bien que ce lac souterrain soit resté en grande partie inexploré,
on a tout lieu de supposer qu'il se rattache à la rivière Skouna, ainsi
qu'à la source jaillissant (avec une force qui a rendu la roche concave)
dans le domaine d'Aïn-Zerga; source qui contribue à alimenter la ville
de Saïda, ainsi que le barrage de Bou-Hanifia.
La station thermale indigène des Eaux-Chaudes (à 12 kms), le bois communal
de Nazereg-Flinois (à 7 kms), le centre d'Aïn-el-Hadjar, dont l'altitude,
dépassant 1000 mètres, appelle, affirme-t-on, la création d'un préventorium,
ne pourront pas toujours être visités par un touriste pressé. Mais celui-ci,
en aucun cas, ne devra négliger d'aller contempler les chutes de l'oued
Tifrit, situées à 30 kms de Saïda, sur la route de Tiaret.
Ces cascades, en effet, non seulement rivalisent avec celles de Tlemcen,
mais encore les dépassent en pittoresque. Qu'on imagine un voilage de
plantes grimpantes suspendu sur des rocs creusés de grottes ombreuses.
Sur ce fond que jaspe du vert, de l'ocre et du gris, s'échevellent des
écharpes d'eau de largeurs différentes, dont le caprice des nuages atténue
ou ravive le scintillement. En haut s'allongent les horizons, déjà tabulaires,
qui préfigurent le Sud. En bas, dans un vaste cirque de terres, la plaine
mêle ses cultures calamistrées à la grâce sauvage des maquis. Enfin, tout
proche de la rumeur perlée des chutes, un étang s'abrite, dans le demi-jour.
On aimerait s'attarder dans ce site verlainien. Mais, voici qu'au hâtif
crépuscule, le calme étoilé des nuits va succéder. L'altitude dévide des
bouffées de fraîcheur. Cependant que les cascades de Tifrit éteignent
leur féerie. Et l'on s'en retourne vers la cité. Près de la Redoute,
qui fut le berceau de la ville, un légionnaire rêve, au son de l'harmonica
qu'il promène sur ses lèvres, de quelque mélancolique steppe d'enfance.
Tandis que l'on rêve, soi-même, au jour heureux où l'on reviendra à Saïda,
Saïda si bien nommée: la fortunée.
Texte
de Blanche Bendahan
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