![]() Chapitre 1 |
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Mon pays... c'est Saïda,
une petite ville heureuse à l'image de son nom, nichée à 800 mètres d'altitude
dans un replis de terrain au pied des premiers contreforts des Hauts Plateaux
du Sud-Oranais, à la naissance de l'oued Oukrif et de l'oued Saïda. Paradoxalement,
dans ce pays de forêts, la ville fut implantée dans un paysage sec et brûlé
par le soleil. Il faut dire que la présence de l'oued Saïda, et la source
de la fontaine Maboul ne furent pas étrangers à ce choix. L'Histoire française de notre ville commence le 22 octobre 1841. Ce jour- là, le Maréchal Bugeaud, en personne, prenait la petite ville arabe, brûlait et démantelait, dans les Gorges du vieux Saïda, une enceinte fortifiée qui avait servi à l'émir Abd-el-Kader de dépôt de vivres, et munitions. Pourtant il ne s'y implantait pas. C'est seulement en août 1843, qu'à la demande des douars Ouled Khaled (Nazereg) et Hassasnas, le colonel Géry et le Général de Lamoricière reviennent à Saïda pour en chasser Ben Allal, un lieutenant de l'émir. Tous les Saïdèens connaissent la colonne de Lamoricière, sur la route des Hassasnas. Un poste militaire est créé au début de 1844. Les troupes campent sous les marabouts, et construisent pour s'y installer le camp des chasseurs et, dans la foulée, étudient, implantent et commencent la construction de la Redoute. Une enceinte fortifiée, avec des remparts à la Vauban, bien construite, deux belles portes, de Tiaret à l'Est, d'Oran à l'ouest, qu'on ferme tous les soirs. La Redoute est le premier embryon de la future ville. Plus tard, une route sera tracée qui reliera Saïda à Mascara et Oran. Nous n'étions plus coupés du reste du monde, nous n'étions plus seuls. Le territoire est administré par le bureau militaire de la Yacoubia, à qui succèdera, en 1865, le Centre administratif dirigé par les militaires. C'est l'époque des bureaux arabes qui ont laissé dans la région des souvenirs de fermeté, mais aussi de justice. L'armée gouverne, protège, administre, éduque, enseigne, soigne, établit et perçoit l'impôt, rend la justice. Le 25 août 1880, l'Administration prend sa forme définitive avec la division du territoire en deux grandes unités administratives: le commune de Saïda (plein exercice) avec l'adjonction du douar Nazereg et la commune mixte comprenant huit grands douars du territoire. Mais avant d'en arriver là, 35 ans s'étaient écoulés, au cours desquels sous la tutelle de l'armée, la ville commençait de naître. C'était l'époque héroïque. Elle devait durer jusqu'en 1865. Tout commence en 1844. Alger est française depuis 14 ans, Oran depuis 13. Pour Saïda c'est l'an 1. Avec l'installation de l'armée, arrive dans ses fourgons ou sur ses pas, le peuple qui accompagne toujours les armées en marche. Tout un petit peuple surgit, on ne sait d'où, de toutes races, de toutes origines, français, juifs, espagnols, italiens, arabes aussi, fournisseurs de l'armée, transporteurs, commerçants, artisans, ouvriers, paysans, aventuriers de tous poils, hommes pour qui la parole donnée avait valeur de contrat et filous patentés, courtiers et maquignons trop habiles, tenanciers, restaurateurs, bistrots, faussaires en titre de propriété, tout un petit peuple haut en couleurs, pittoresque, attendrissant quelquefois, et en définitive attachant, malgré ses défauts ou peut-être à cause d'eux. Ils avaient pourtant en commun l'esprit d'aventure, le courage, le goût du risque, la volonté, la ténacité poussée jusqu'à l'entêtement, un moral à toute épreuve et un destin irréversible. Ils étaient venus de leur pays, sans esprit de retour. Ils devaient s'implanter ou disparaître. Ils étaient, c'est certain, durs pour les autres et pour eux-mêmes. "A ce jeu-là, seuls les plus forts survivent". Ils savaient que la réussite passerait par toutes les privations et tous les sacrifices. C'était le Far West, indiens et colts en moins. |
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