Saïda Blédi
Chapitre 19

L'histoire de I'Algérie Française reste encore à écrire, pas celle de M. Courrières, mais celle toute simple de notre pays. Quand le temps de la passion, du parti pris, de la sottise, aura fait place au temps de la vérité, de l'impartialité et de l'Histoire, on mesurera l'étendue de l'injustice, de la bêtise et quelquefois de la malveillance de certaines gens qui nous jugèrent. Qu'importe d'ailleurs, nous étions là. Emportés par le vent, la bourrasque de l'Histoire, nous avions été dispersés, comme de la graine de pissenlit aux quatre coins de l'Hexagone.

Mais notre solidarité demeure. Deux ménages de chez nous, Roger Pauloin et Lucien Knap, organisent tous les deux ans, dans le Var, un rassemblement des Saïdèens. Voilà deux ans, nous étions 250 venus des quatre coins du pays; certains firent plus de 1000 kms pour passer une journée ensemble. Ce fut une réussite. Cette année nous serons 500 et encore plus les prochaines années..
C'est cela Saïda.

Et maintenant il faut conclure. Que sont devenus mes amis? Beaucoup hélas... sont morts. Ce petit article est dédié à leur mémoire. Je vais dans la vie, entouré des ombres familières, de mes parents, de mes frères, de ma famille, de mes amis disparus. Je pense à eux avec regret, mais sans tristesse. La mort, la vie, ça nous connaît et "nul ne sait l'heure ni la minute" essayant seulement d'être fidèle, et de répondre par mes actes à l'idée qu'ils s'étaient faite de moi.

Je voudrais, pour terminer, dire tout simplement aux jeunes de mon pays: "La vie est le premier don de Dieu, et la vivre un acte de foi... Vous êtes une jeunesse saine, merveilleuse, drue et rude comme les blés de nos Hauts plateaux. S'il vous arrive quelquefois d'être des contestataires, tant mieux, ne soyez jamais des drogués, des impuissants ou des ratés. Vous êtes les descendants de trois ou quatre générations de pionniers qui ont fécondé nos terres de leur sueur et de leur sang, qui ont souffert sans se plaindre, et plié sans renoncer. Vous êtes de cette race-là, je le sais. Vous n'avez à rougir de rien ni de personne. Le passé disparaît chaque jour, le présent est assuré et l'avenir c'est vous.

Malgré une intégration souhaitable et inéluctable, quoi que vous fassiez, où que vous soyez, accrochez-vous, soyez fidèles à vos traditions et à votre pays. Ne vous laissez jamais envahir par le doute ou le désespoir. Restez solidaires, il y aura toujours un Saïdèen près de vous que vous pouvez secourir ou qui peut vous aider. Votre réussite et vos succès auront pour nous le goût de miel de la revanche et de la dignité retrouvée. Et comme nous, à qui l'Algérie colle à la peau, gardez précieusement au fond de votre coeur et de votre mémoire cette petite étoile merveilleuse: le souvenir lumineux de notre beau pays perdu.


Texte de Francis Baylé


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