Saïda l'heureuse
Chapitre 4

Dans le sillon transversal ouvert par l'oued Saïda, une petite plaine d'effondrement s'arrondit, comblée de dépôts alluviaux anciens et couverte, en 1840, par une brousse de palmiers nains et de jujubiers sauvages. A proximité du site préhistorique, berbère, romain et arabe du "Vieux Saïda", à 2 kms au sud du centre actuel, Abd-El-Kader a installé, comme à Tagremaret, un de ses magasins de céréales et de munitions qu'il a incendié, à l'arrivée du général Bugeaud, le 22 octobre 1841. Il n'en reste, alors, plus que des pans de murailles écroulées se dressant dans un pays désert.

L'armée estime l'importance stratégique de la position géographique de Saïda, comme pivot des opérations vers les Hauts plateaux, contre les tribus fidèles à Abd-El-Kader, que celui-ci finit par abandonner à elles-mêmes. Lamoricière et Bugeaud font construire, dés mars 1844, près du poste militaire, une redoute, noyau de la ville actuelle, sur une butte dominant l'oued, à l'orée de la gorge et sur la route ouverte alors sur 70 kms, à partir de Mascara. Il s'agit d'une enceinte fortifiée rectangulaire flanquée de redans aux angles et coupée pour livrer passage aux quatre portes de Mascara au nord, de Tiaret à l'est, de Sidi-Bel-Abbès à l'ouest, du Kreider au sud. En 1847, cet établissement militaire groupe huit bâtiments: infirmerie, l'hôpital actuel, magasins d'intendance et casernes. Des lots de jardin sont distribués au sud tandis qu'à l'ouest tourne un moulin à farine.

De 1845 à 1870, le poste de Saïda est le centre des opérations militaires rayonnant vers les Hauts plateaux et les montagnes de l'Atlas Saharien. En 1845, malgré une tempête de neige et vague de froid, le colonel Géry razzie la tribu des Sdamas, à l'est de Saïda, et s'empare de Brezina à 70 kms de Géryville. En 1852, Bouscares occupe Géryville, où il fonde un poste militaire. En 1864, le colonel Beauprêtre pénètre dans le djebel Amour; en 1878, le général Deligny soumet les Ouled Sidi Cheikh. En 1886, le 1er Régiment de la Légion Etrangère assure la sécurité de l'arrière-pays et cantonne autour de la Redoute de Saïda dont il constitue son deuxième berceau, après Sidi-Bel-Abbès. A partir de ce poste, la Légion trace des routes, plante des arbres et construit une importante caserne, centre d'instruction jusqu'en 1962.

En 1845, Saïda ne compte qu'une centaine de civils européens, surtout des Espagnols, vivandiers et cantiniers. Grâce à sa position géographique, son marché est achalandé par les indigènes en chevaux, bestiaux, laine, volailles, grains, beurre, oeufs, fruits, légumes, charbon de bois, sel et peaux. En 1850, le géologue Pouyanne prévoit que la plaine conviendra "à la culture de l'olivier et de la vigne". Ce n'est qu'en 1860 que l'on y établit un centre de colonisation puis, en 1862, on y créé officiellement un centre civil, vingt ans après que Bugeaud ait prévu que "la conquête serait stérile sans la colonisation". En 1872, Saïda devient le siège d'une commune mixte de 7000 km2 et, en 1880, la ville est promue commune de plein exercice, dotée d'un maire et d'un conseil principal, puis, finalement sous-préfecture.

      Précédent
Suivant