Saïda l'heureuse
Chapitre 7

L'élevage des moutons et des chèvres constitue une ressource importante, grâce à l'extension des terrains de parcours. Ces animaux donnent la laine et le poil de chèvre utilisés pour le tissage des "flidj" des tentes puis les burnous. Le peuplement, peu dense, 18 habitants au km2, est composé de semi-nomades vivant sous des tentes, groupées en douars temporaires, prés de rudimentaires parcs à moutons, protégés par un simple brise-vent de branchages entremêlés.

Les Musulmans s'installaient de préférence à la périphérie de terrains boisés et des terres cultivées, dans les parties broussailleuses de parcours, alors que le massif forestier restait désert. Quelques tentes isolées, occupées par des ouvriers agricoles, apparaissaient à proximité des fermes européennes qui leur fournissaient du travail. Dans cette région, les M'ahamid venaient de l'Atlas Saharien, par groupes, de 30 à 40 tentes, pour travailler aux défrichements, loués pour cinq ans, tandis que quelques isolés vivaient du transport du charbon de bois à dos de chameaux.

Les Monts de Saïda, autre chaînon parallèle de l'Atlas tabulaire, offrent, immédiatement, à l'est de la plaine de Saïda, l'aspect caussenard du plateau calcaire des Hassasna Gharaba. Sources et puits sont rares et peu abondants, bien qu'il pleuve relativement souvent et qu'il neige pendant deux à trois mois par an. Ce terroir original s'étend, sur une dizaine de kilomètres, à 1050-1300 mètres d'altitude jusqu'à la vallée supérieure de l'oued Tiffrit. Ici, le relief change brusquement. L'allure montueuse des Doui Thabet fait place, par endroits, à un véritable aspect monotone de plateaux steppiques dû à la nature perméable des calcaires.

Pas de vallées mais un paysage désert criblé de petites dépressions fermées, de "r'dir" (Hghedir) au fond humide. Ces cuvettes sont remblayées par d'anciens dépôts de ruissellement épais au maximum de 60 cms d'argiles, de cailloutis et de blocs roulés. Légèrement déprimée, d'une cinquantaine de mètres, par rapport à sa ceinture de collines, la surface du "Causse" des Hassasna Gharaba est partagée en deux bassins par une crête. Le réseau hydrographique primitif, aujourd'hui désorganisé, ne présente plus qu'une suite de "ghar" entonnoirs de dissolution ou "avens", de petites dépressions, inondées en hiver par une mare d'eau temporaire, de plusieurs pertes d'oueds, de sections de vallées sèches à contre-pente.

L'une de ces dépressions porte le nom imagé de Hadjar-er-Rhamla, " la pierre du sable". La traversée de ce plateau rocailleux et stérile aboutit, avec surprise, à la vallée supérieure de l'oued Tifrit, le cours d'eau "des grottes", aux versants boisés de chênes vert, trembles et térébinthe. L'érosion a entaillé sur 150 mètres, les couches de terrains plissées, faillées, minéralisées jusqu'au substratum ancien. L'oued tombe en belles cascades vaporeuses déposant des draperies de travertin calcaire à végétaux. La forêt, très clairsemée, est composée, au sud de taillis de chênes à glands doux, au nord de thuyas, chênes verts, lentisques et de nombreux genévriers sur un quart de la superficie. Les parties les plus sèches sont des parcours rocailleux et dénudés.

Dans ce pays de neige, de tout temps, les Hassasna ont évité de défricher ou de brûler la forêt qu'ils considèrent comme "leur burnous d'hiver" et où ils se réfugient contre les rigueurs de la saison froide. Les rares fermes européennes de 100 à 500 hectares, peuplées d'une vingtaine d'habitants, étaient cantonnées dans les grandes cuvettes, tapissées de terre rouge, parfois très fertile. Les cultures indigènes consistent en céréales: blé tendre, orge et blé dur. La principale ressource reste l'élevage des moutons et des chèvres. Dans la région de plateaux élevés et de vallons des Ouled Aouf, les caprins l'emportent. Le genre de vie pastoral extensif, le semi-nomadisme à court rayon de déplacement et la rigueur du climat justifient la prédominance des tentes sur toute autre forme d'habitat: gourbis ou maisons.

Depuis l'arrivée des Européens, vers 1905, les Musulmans, longtemps nomades ont commencé à construire quelques petites fermes, auxquelles ils préfèrent en hiver, la tente plus exigue et plus chaude, au contact des bêtes. La population n'atteint qu'un densité de 5 habitants au km2. Dès 1864, des Rezaïna de Laghouat et de Géryville, venus comme domestiques et bergers des fellahs locaux, sont devenus, à leur tour, dés 1895, propriétaires de troupeaux et même petits cultivateurs. De jeunes hommes des M'ahamid quittaient déjà la tente familiale pour la moisson et les battages, dans les propriétés européennes des Hassasna, où ils s'engageaient comme ouvriers agricoles temporaires.

Les Razaïna, stationnés prés du Chott-ech-Chergui, au sud du Kreider, pratiquent une véritable transhumance. Ils quittent leurs terres de parcours, épuisés par la dent de leurs troupeaux et la sécheresse estivale, à la recherche de pacages dans le Tell méridional, ils viennent par groupes armés, accompagnés de 25 à 30 chameaux, quelquefois jusqu'à 100, avec de petits troupeaux de 300 chèvres et moutons. Ils entreprenaient alors des déplacements de 15 à 20 kms et louaient jadis les chaumes européens pour glaner et nourrir leurs animaux. Vers septembre, ils retournent sur les Hauts plateaux steppiques, chaque chameau chargé de deux quintaux de grains, les femmes portant jusqu'à 20 kgs sur leur tète: c'était leur nourriture pour l'année.

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