Saïda Blédi
Chapitre 10

La guerre de 1914 avait tout arrêté, mais l'Algérie resta fidèle. Les noms gravés sur les monuments aux morts édifiés à leur gloire et à leurs sacrifices témoignent qu'elle fut meurtrière. Ils témoignent aussi que, pour une cause commune, dans les larmes, le deuil, la solidarité des champs de bataille, les sacrifices consentis par ceux qui se battaient pour rester français, et par ceux qui voulaient le devenir en se battant, allait se créer et se sceller définitivement l'unité de I'Algérie Française. La politique algérienne des gouvernements de l'après-guerre fut-elle la bonne ? l'Histoire jugera.

La Guerre de 1914 n'avait rien compromis. Mais rien n'allait plus être comme avant. Les hommes, les survivants avaient été démobilisés. Ils rentraient dans leurs foyers, la tête bourrée d'idées nouvelles acquises au contact d'une société métropolitaine en pleine mutation industrielle, technologique, politique et sociale. Ils avaient fait leur devoir et acquis des droits. Et puis, puisqu'ils étaient vivants, eux qui avaient pendant quatre ans côtoyé la mort à chaque minute, ils voulaient rattraper le temps perdu et vivre. Appelez cela comme vous voudrez... On a parlé d'années folles... En fait ce fût une explosion de vie, une fureur de vivre, comme une revanche sur la mort.

Il fallait se mettre au travail, ils s'y mirent. Mais tout allait changer. Aux premières structures vieillies allaient succéder des créations nouvelles. Aux banques Solari, Pilon, qui avaient si puissamment contribué au démarrage de la ville et de la région, allait succéder les grandes sociétés bancaires: le Crédit Foncier d'Algérie dont notre ami Leccia fut directeur, la Compagnie Algérienne avec MM. Hubert, Johner, Duvivier, Balbastro et dont notre ami de toujours Ernest Emsallem, beaucoup trop tôt disparu, fut le dernier directeur, la Banque de l'Algérie dont M. Tailhandier, père de nos amis Jeannot et Crica fut directeur et à qui succédèrent Rossi, Randavel, Demeure et d'autres. Et aussi le Comptoir d'Escompte de Saïda que nous tirâmes de sa longue léthargie avec un jeune directeur bourré de talent, notre jeune camarade Lavérola.

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