![]() Chapitre 15 |
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Nous
vivions libres sur la terre où nous étions nés et nous étions heureux, ou
du moins nous l'avions été... Souvenez-vous... La France avait perdu l'lndochine.
La Tunisie et le Maroc avaient obtenu leur indépendance. Le 1er novembre
1954, un instituteur, M. Monerot et le caïd Hadj Sadok étaient assassinés
dans l'Aurès. L'Algérie entrait en rébellion. Personne ne voulait y croire.
Nous répétions que l'Algérie n'était ni la Tunisie ni le Maroc, que nous
étions départements français, que nous faisions partie intégrante du territoire
national et que nous serions défendus comme l'Alsace-Lorraine. Et pour confirmer nos certitudes, le 7 novembre 1954, M. Mitterrand, ministre de l'Intérieur, déclarait dans une allocation radiodiffusée: "l'Algérie c'est la France, et la France ne reconnaîtra pas chez elle d'autre autorité que la sienne". Le Président du Conseil lui-même, M. Mendès-France, déclarait à la tribune de l'Assemblée nationale, le 12.11.1954: "Les départements algériens font partie de la République. Ils sont Français depuis longtemps. Jamais la France, jamais son Parlement, jamais aucun gouvernement ne cèdera sur ce principe fondamental". Conformément à ces déclarations, le gouvernement Guy Mollet qui avait succédé à celui de M. Mendès-France passa aux actes et envoya en Algérie deux classes rappelées du contingent. Comment dès lors douter de la volonté et de la détermination du gouvernement de défendre notre pays. Souvenez-vous... La rébellion s'était étendue à tout le pays ou presque et Saïda restait un coin tranquille, privilégié. Et, de fait, rien ne se passe jusqu'au 26 décembre 1956. Ce jour là M. de Lussy, un jeune officier des Eaux et Forêts, récemment arrivé de métropole, était assassiné à Tifrit. Nous entrions, et pour deux longues années, dans la période la plus noire de notre vie. Les rebelles avaient envahi la région et y régnaient en maîtres. Attentats, incendies de fermes, massacres se multipliaient, pylônes électriques sciés, poteaux téléphoniques coupés, grenades dans les cafés et les lieux publics de la ville, personnes attaquées au couteau, communications avec l'extérieur coupées, déplacements impossibles sans escorte militaire, Saïda en état de siège, derrière son réseau de fils de fer barbelés, était devenue la ville la plus sanglante d'Algérie. Souvenez-vous... Mme Pierre Ortéga blessée, Melle Herrero tuée par un commando en auto, à 5 heures du soir, devant l'épicerie Hassan. Blessés aussi Goetz, brigadier de police, et Mme Martinez, employée de mairie. Souvenez-vous... L'orchestre de la Légion terminait un concert sur la place par l'exécution de la "Marche Consulaire" quand éclata en pleine ville une fusillade invraisemblable. Et pourtant personne ne broncha jusqu'à la fin du concert. Cinq rebelles s'étaient infiltrés en ville et tiraient sur n'importe quoi. Une section de légionnaires, la police et des civils les poursuivirent. Quatre d'entre eux furent tués. Malheureusement Jeannot Hernandez, un jeune brigadier de police, et un jeune légionnaire payèrent leur courage de leur vie. On découvrit le lendemain leur cache. C'était "Dar Diaf", la villa de la Commune mixte, sur la route d'Ain-el-Hadjar, à 800 m de la ville. |
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